L’Action de groupe pour la réparation des dommages causés par les produits de santé, déclarée conforme à la Constitution
L’Action de groupe pour la réparation des dommages causés par les produits de santé, déclarée conforme à la Constitution
Suivant décision n° 2015-727 DC du 21 janvier 2016, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur certaines dispositions de l’article 184 de la loi de modernisation de notre système de santé.
Ces dispositions, relatives à l'action de groupe pour la réparation des dommages causés par les produits de santé, ont été déclarées conformes à la Constitution.
Cet article 184 rétablit notamment un chapitre III intitulé « Action de groupe » au sein du titre IV du livre Ier du Code de la santé publique comprenant les articles L. 1143-1 à L. 1143-22.
L'article L. 1143-1 du Code de la santé publique prévoit qu'une association d'usagers du système de santé agréée peut agir en justice afin d'obtenir la réparation des préjudices individuels subis par des usagers du système de santé ayant pour cause commune un manquement d'un producteur, d'un fournisseur d'un produit de santé ou d'un prestataire d'un tel produit à leurs obligations légales ou contractuelles.
Selon les dispositions de l'article L. 1143-2 du Code de la santé publique, le juge, après avoir statué sur la recevabilité de l'association :
- statue sur la responsabilité du défendeur
- définit le groupe des usagers du système de santé à l'égard desquels la responsabilité du défendeur est engagée
- fixe les critères de rattachement au groupe et détermine les dommages corporels susceptibles d'être réparés.
En outre les articles L. 1143- 11 et L. 1143-12 du Code de la santé publique disposent que les personnes déclarées responsables par le jugement procèdent à l'indemnisation individuelle des préjudices subis par les personnes répondant à des critères de rattachement au groupe et que, lorsque leur demande n'a pas été satisfaite, ces personnes saisissent le juge aux fins d'indemnisation.
Les dispositions de l'article 184 étaient attaquées par les requérants en ce qu’elles portaient atteinte à l'objectif de valeur constitutionnelle « d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi » et aux « droits de la défense », au principe de « sécurité juridique » ainsi qu’au droit au maintien des situations légalement acquises.
En vain. Le Conseil constitutionnel rejette en premier lieu le moyen tiré de l’attente aux droits de la défense et à l’inintelligibilité de la loi. Il juge que dans la première phase de l’action de groupe le professionnel défendeur peut faire valoir toutes les exceptions de recevabilité et exceptions ou moyens de défense au fond. Dans la seconde phase, à défaut d'accord entre la personne répondant aux critères de rattachement au groupe et le professionnel sur le montant de l'indemnisation, le juge peut être saisi de sorte que le professionnel peut faire valoir devant ce juge tous les autres moyens de défense relatifs à l'indemnisation individuelle de la personne intéressée.
En second lieu, le Conseil constitutionnel décide « qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions ; que, ce faisant, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles ; qu'en particulier, il ne saurait, sans motif d'intérêt général suffisant, ni porter atteinte aux situations légalement acquises ni remettre en cause les effets qui peuvent légitimement être attendus de telles situations. Les dispositions contestées sont relatives à la procédure par laquelle la responsabilité d'un professionnel à l'égard des usagers du système de santé peut être judiciairement constatée ; qu'elles ne modifient pas les règles de fond qui définissent les conditions de cette responsabilité ; que, par suite, l'application immédiate de ces dispositions ne leur confère pas un caractère rétroactif ; qu'ainsi, elles ne méconnaissent pas les exigences de l'article 16 de la Déclaration de 1789. »
Le Conseil constitutionnel a ainsi déclaré conformes à la Constitution les articles L. 1143-11 et L. 1143-12 du Code de la santé publique dans leur rédaction issue du 2° du paragraphe I de l'article 184 et le paragraphe II de l'article 184.
Une décision à saluer, l’action de groupe en matière de santé qui doit prendre effet au plus tard le 1er juillet 2016, constitue une avancée majeure dans la défense des victimes, usagers du système de santé.
Extrait de la décision du Conseil constitutionnel (DC n°2015-727):
« SUR CERTAINES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 184 :
94. Considérant que l'article 184 crée une action de groupe pour la réparation des dommages causés par les produits de santé ; que son paragraphe I rétablit un chapitre III intitulé « Action de groupe » au sein du titre IV du livre Ier du code de la santé publique comprenant les articles L. 1143-1 à L. 1143-22 ; que l'article L. 1143-1 prévoit qu'une association d'usagers du système de santé agréée peut agir en justice afin d'obtenir la réparation des préjudices individuels subis par des usagers du système de santé ayant pour cause commune un manquement d'un producteur, d'un fournisseur d'un produit de santé ou d'un prestataire d'un tel produit à leurs obligations légales ou contractuelles ; que, selon les dispositions de l'article L. 1143-2, le juge, après avoir statué sur la recevabilité de l'association, statue sur la responsabilité du défendeur, définit le groupe des usagers du système de santé à l'égard desquels la responsabilité du défendeur est engagée, fixe les critères de rattachement au groupe et détermine les dommages corporels susceptibles d'être réparés ; que les articles L. 1143- 11 et L. 1143-12 disposent que les personnes déclarées responsables par le jugement procèdent à l'indemnisation individuelle des préjudices subis par les personnes répondant à des critères de rattachement au groupe et que, lorsque leur demande n'a pas été satisfaite, ces personnes saisissent le juge aux fins d'indemnisation ; que le paragraphe II dispose que l'article 184 entre en vigueur à la date fixée par les dispositions réglementaires prises pour son application et au plus tard le 1er juillet 2016 ;
95. Considérant que les sénateurs requérants soutiennent que les dispositions de l'article 184 portent atteinte à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi et aux droits de la défense dès lors que le législateur n'a pas prévu les modalités de fixation du montant des dommages et intérêts alloués à chaque personne répondant aux critères de rattachement au groupe ; que les dispositions du paragraphe II de l'article 184 méconnaîtraient le principe de « sécurité juridique » et le droit au maintien des situations légalement acquises dès lors que l'action de groupe créée pourra être exercée y compris lorsque le fait générateur à l'origine du préjudice dont la réparation est demandée s'est produit avant l'entrée en vigueur de la loi déférée ;
96. Considérant, en premier lieu, que les dispositions contestées prévoient que, dans une première phase, le juge constate la responsabilité du défendeur à l'égard d'un groupe d'usagers ; que, durant cette phase, le professionnel défendeur à l'instance peut faire valoir, outre les exceptions relatives à la recevabilité de cette action, tous les moyens de défense relatifs à la mise en cause de sa responsabilité, à la définition du groupe des usagers du système de santé à l'égard desquels celle-ci est engagée, aux critères de rattachement à ce groupe et aux dommages susceptibles d'être réparés ; que, dans une seconde phase, à défaut d'accord entre la personne répondant aux critères de rattachement au groupe et le professionnel sur le montant de l'indemnisation, le juge peut être saisi par la première, en application de l'article L. 1143-12, de sorte que le professionnel peut faire valoir devant ce juge tous les autres moyens de défense relatifs à l'indemnisation individuelle de la personne intéressée ; que, par suite, les dispositions contestées, qui ne sont pas inintelligibles, ne méconnaissent pas les droits de la défense ;
97. Considérant, en second lieu, qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions ; que, ce faisant, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles ; qu'en particulier, il ne saurait, sans motif d'intérêt général suffisant, ni porter atteinte aux situations légalement acquises ni remettre en cause les effets qui peuvent légitimement être attendus de telles situations ;
98. Considérant que les dispositions contestées sont relatives à la procédure par laquelle la responsabilité d'un professionnel à l'égard des usagers du système de santé peut être judiciairement constatée ; qu'elles ne modifient pas les règles de fond qui définissent les conditions de cette responsabilité ; que, par suite, l'application immédiate de ces dispositions ne leur confère pas un caractère rétroactif ; qu'ainsi, elles ne méconnaissent pas les exigences de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ;
99. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les articles L. 1143-11 et L. 1143-12 du code de la santé publique dans leur rédaction issue du 2° du paragraphe I de l'article 184 et le paragraphe II de l'article 184 doivent être déclarés conformes à la Constitution »
http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2016/2015-727-dc/decision-n-2015-727-dc-du-21-janvier-2016.146887.html